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Thursday 15 July 2010

Autostop Rosso Sangue, Pasquale Festa Campanile (1977)

Les films rêvés naissent aussi d’une image perdue ou de l’écho d’un son oublié. Quand je n’étais encore qu’une enfant, mes parents m’avaient interdit de regarder Massacre à la tronçonneuse car « ça n’était pas de mon age » (on les comprend). Il me restait la jaquette poisseuse de la cassette vidéo (Edition René Château) qui traînait à côté du magnétoscope (où un maboul défiguré en costard vous fonçait droit dessus une tronçonneuse à la main) mais surtout la bande son qui parvenait jusqu’à mon lit lorsque mes parents regardaient la nuit ce film banni entre amis (un must du début des années 80 ?). Entre les grincements stridents du prélude, les rires déments d’un maniac, les hurlements féminins continus et le doux ronronnement de la tronçonneuse, j’ai donc pu imaginer ce film avant de pouvoir le voir « en vrai » quelques années plus tard. Curieusement, je ne fus pas déçue tout en m’attendant à tout autre chose : le film était beaucoup moins violent que prévu mais beaucoup plus dérangeant, vous plongeant en plein cœur d’un cauchemar organique. Il était en fait en parfait accord avec la matière du rêve tout en devenant, par sa vision, une expérience physique comparable à un bad trip dans une chambre froide ou a un crash dans un abattoir (il y a peu de films de cette puissance, qui fassent cet effet).
Quel rapport avec Autostop Rosso Sangue? La musique, le son, la vibration, le télescopage entre l’idée d’un film et sa réalité. J’ai en effet longtemps rêvé ce film en écoutant sa bande originale, une de mes préférées d’Ennio Morricone que j’ai toujours imaginé composer en aveugle sans regarder les films, en partant sur quelques indications du metteur en scène, ici : « c’est un road movie qui se déroule en Californie, un couple de touristes italiens tente de recoller les morceaux, ils prennent un autostoppeur à bord de leur voiture et ça va mal tourner… ». Il n’en faut pas plus à Morricone pour nous embarquer sur la route. Donnez lui un Banjo et il vous recréera l’Amérique. Il est ici l’orfèvre de ce film qui fantasme l’ouest sur le thème du thriller érotico crado comme ses aînés le fantasmaient, à la sauce bolognaise, sur le thème du western dégénéré. Fantasme car relecture, le cinéma bis italien des années 70 est un cinéma cannibale qui bouffe tout sur son passage avec un appétit vorace. Autostop Rosso Sangue se nourrit peut-être à la source (The Hitch-Hiker, splendeur B d’Ida Lupino) mais surtout à ce qui fait la chair du cinéma féroce 70 : Duel pour la route, The Straw Dogs pour le viol « ambigu », The Last House on the Left pour la violence aveugle (on retrouve ici David Hess en pleine forme dans le rôle de l’autostoppeur psychopathe), Delivrance pour le banjo, Corinne Clery (Histoire d’O) pour l’érotisme cheap et Franco Nero pour les spaghettis. Le résultat est-il digeste ? Certainement pas, mais c’est ce qui fait la saveur de cette série b immorale qui filme la Californie comme s’il s’agissait d’une banlieue romaine avec ses ragazzi à moto, ses campings-bidonvilles et ses petites frappes mafieuses qui vous attendent au tournant. Si Sergio Leone est parvenu à filmer l’Amérique d’Europe, Pasquale Festa Campanile est resté chez lui alors qu'il tournait à l’autre bout du monde. Comme tout road movie qui se respecte, Autostop Rosso Sangue est donc un film en roue libre qui fait du sur place. Next stop Cineccita ?

Pour écouter Autostop Rosso Sangue c'est ici, pour le voir c'est